Suisse: quand les Américains débarquent en éclaireurs

Publié le : 30 avril 2013 - Mot Clés : , , , ,

    Voilà à peine 4 ans, un comité d’experts anglo-saxons et allemands de l’OCDE bouclait une enquête sur le système suisse de formation professionnelle. Après en avoir salué les mérites, les experts concluaient : « on peut malgré tout se demander si le pays a besoin d’autant de diplômés en formation professionnelle qu’il en produit, ou s’il n’a pas besoin de davantage de diplômés du degré tertiaire » , autrement dit sortis des Hautes écoles universitaires et des Hautes écoles spécialisées.  L’alerte que sonnaient les experts n’avait alors et à juste titre guère suscité d’échos. La Suisse connaissait le plein emploi (ça n’a pas changé) et, sauf une poignée de récalcitrants, les 15-24 ans étaient tous en apprentissage, en formation à temps complet ou au boulot. Et, contrairement à la France notamment, les autorités suisses ne masquaient pas le chômage des jeunes derrière des décors Potemkine, appelés contrat jeune ou contrat premier emploi.
    En raison du plein emploi qu’il génère dans un monde secoué par un chômage sans précédent depuis un demi-siècle, le système suisse de formation suscite l’intérêt non démenti des étrangers. Si, prestige perdu oblige, les Français débarquent à Lausanne pour visiter la seule EPFL quitte à maudire le Rolex Learning Center dans le TGV Lyria qui les ramène à Paris, d’autres visiteurs font montre d’une curiosité plus large. Ainsi ces Américains qui, du 17 au 23 mars, ont traversé l’Atlantique pour tenter de comprendre le fameux système dual. Que du beau monde : des représentants des Etats du Massachusetts, de Georgie, de Californie, du Missouri, de Washington, de l’Illinois, de New York et de la Caroline du Nord. Emmenés par Bruno Ryff, Consul Général de Suisse à Los Angeles, treize professeurs et responsables des administrations scolaire et universitaire de chacun de ces Etats ont été initiés à ce mécanisme d’horlogerie compliqué qui est la formation en alternance, que choisissent 7 collégiens suisses sur 10 au terme de leur scolarité obligatoire. Qui peut douter que c’est à cet instant précis que se joue la prospérité suisse ! Non seulement, l’alternance entre l’école et la formation en entreprise fabrique des personnes adaptées au marché du travail qui, plus tard, ne se bourreront pas d’anxiolytiques et d’antidépresseurs mais gagneront convenablement leur vie. Pour mémoire, le salaire médian suisse est triple (6000 francs) du salaire médian français (1515 euros). Mais l’aimantation massive vers l’apprentissage déleste les HES et les HEU de ces cohortes de jeunes qui, dans tant de pays européens, s’ennuient pour rapidement décrocher d’amphithéâtres saturés.
    Le passage de cette délégation d’Américains, où figurait encore une représentante de l’administration Obama, est riche d’autres enseignements : leur ont surtout été montrées les très grosses PME. Regrettons que les petites, les plus nombreuses (99,4% en Suisse ont moins de 250 salariés, pourcentage identique en Allemagne) et qui s’investissent beaucoup dans l’apprentissage, n’aient pas figuré au menu de la délégation. Regrettons encore la grande discrétion qui entoure un tel déplacement. A croire que les Suisses ont honte de leur excellence et que, peut-être par masochisme ou perversion du goût, leur pôle d’attention soit souvent non ce qui resplendit mais ce qui est médiocre. A ce sujet, il faut  s’interroger sur la campagne publicitaire que fait circuler actuellement Swiss.com dans les salles de cinéma en France. Deux goitreux, brutaux et imbéciles, vieux et velus, visiblement décryogénisés après quelques centaines d’années prisonniers des glaces dans de lointains alpages sont supposés donner envie de venir passer les vacances en Suisse ! Les gloussements entendus dans les salles n’augurent rien de bon sur le front des réservations estivales. Un tel choix de casting, un tel scénario calamiteux illustrent de manière caricaturale l’incapacité des Suisses à se mettre en valeur. Déplorons-le, car le pays compte au moins autant de pépites que beaucoup des pays qui l’environnent. Le système dual de formation en est justement une.

Vos avis et commentaires

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Posté par François Garçon - Posté le 30 avril 2013 à 18 h 49 min

Posté par Fauxrato - Posté le 6 mai 2013 à 7 h 33 min

Intéressant en effet. Le parallèle avec les deux Trols de Swiss.com me semble cependant artificiel. La Suisse a-t-elle intérêt à mettre en avant son Rolex Learning Center dans un environnement appauvri et déprimé? Je ne le pense pas.

Posté par BMX13 - Posté le 6 mai 2013 à 14 h 27 min

Les Suisses sont pragmatiques, jugent si le chat attrape la souris et non s’il est noir ou blanc. Les Américains le sont aussi, avec retard mais mieux vaut tard que jamais. Nous, Français, allons disserter pendant des années pour savoir si le chat doit être blanc ou noir, et non s’il est fin chasseur. Si bien qu’au bout du compte, le chat est mort de vieillesse et les rats par milliers ont pris la place de la souris.

Posté par J.P. Le Tréguois - Posté le 13 mai 2013 à 7 h 27 min

Une délégation de sénateurs vient de se rendre à Berne. Ils n’ont pas été VOIR ce qui se passait en Suisse. Ils sont allés expliquer aux Suisses pourquoi la Suisse ne fonctionnait pas et pourquoi la France devrait logiquement s’imposer comme modèle à copier. A pleurer…. Dommage que les Suisses ne les aient pas traités de goujats abrutis de vanité.

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