On a trouvé la formule magique chez la ministre
Publié le : 23 novembre 2012 - Mot Clés : castes universitaires, collège A et B, CPGE, évaluation, localisme, non publiants, provincialismeAu chevet de l’enseignement supérieur français, ce grand malade, les médecins se bousculent depuis des années. Depuis 2003, très exactement, depuis que les Chinois ont publiquement diagnostiqué que le roi français était nu, que ses établissements supérieurs étaient ringardisés, nonobstant les sommes considérables injectées dans la machine. Dix ans plus tard, à l’automne 2012, après qu’ils aient déclaré inopérantes les médications Pécresse (valables pourtant dans les pays qui les avaient expérimentées avant nous : autonomie, concurrence, évaluation), nos médecins annoncent avoir enfin trouvé le vaccin qui rendra à nos universités la santé qu’elle ont sans doute eu vers la fin du 19ème siècle. Que nous a-t-on donc annoncé ces derniers jours ?
L’interdiction du localisme ? 50% des postes statutaires dans l’enseignement supérieur français relèvent de cette farce scandaleuse, que chacun peut observer dans son établissement, dans son département, dans son laboratoire. Escrocs, ne craignez rien ! L’endorecrutement a de beaux jours devant lui. En effet, il n’est pas question d’y toucher. Trop compliqué, n’est-ce-pas…
L’évaluation enfin sérieuse du travail des enseignants-chercheurs avec distribution de primes à l’appui, comme en Grande-Bretagne par exemple? Relaxez vous, vous qui encadrez jusqu’à vingt thésards et qui ne publiez rien ou pas grand chose. Vous ne serez pas inquiétés. L’évaluation n’est pas pour demain. Tant mes cours que mes recherches sont exemplaires, je m’en porte personnellement garant.
La suppression des Classes préparatoires aux grandes écoles ? Ca ne serait que justice, tant ces CPGE sont non seulement un pied de nez à l’équité citoyenne dont se revendiquent tous les révolutionnaires, mais une injure aux textes bibliques qui voudraient que beaucoup soit donné à ceux qui n’ont rien (les étudiants en université) plutôt qu’à ceux qui ont déjà tout (famille d’initiés, capital social, etc.). Et bien non, là encore, on ne touchera pas aux filières par lesquelles sont passées les élites de droite et de gauche, et à qui nous sommes redevables de notre état de faillite.
Va-t-on s’attaquer à la suppression du statut de maître de conférences à vie, autre aberration française qui conduit à laisser mariner à vie une sous-caste immobile dans l’enseignement supérieur, statut qui sanctionne souvent l’anticonformisme de l’intéressé(e) ? Il a déplu aux dominants qui, ainsi, lui refusent la carte de membre de leur club, sans toutefois le sortir du terrain de jeu. Que tous, professeurs et maîtres de conférences, tous citoyens plus rebelles les uns que les autres comme il se doit en France, s’accommodent de ces discriminations non fondées sur des facteurs scientifiques en dit long sur la sincérité de ces engagements citoyen, républicain, etc. Le fonctionnement des collèges A et B, le spectacle de cette partition que tous acceptent en silence, évoque irrésistiblement l’Inde.
Se pourrait-il que l’on aille ainsi vers un statut unique, celui de professeur, après une période d’assistanat de 5 à 7 ans, avec l’obligation de céder la place si, au terme de la probation, le but (la thèse, les publications annoncées) n’est pas atteint ? Nullement, trop compliqué, trop révolutionnaire. Les Français ont une âme de rentier: ce qui bouge, évolue, se transforme les met en état de panique. Donc, on ne touche pas au système de caste.
Mais alors, quelle est donc la formule magique que nous a concocté la rue Descartes ? Après dix ans de purgatoire confortable, après dix ans d’inactivité où les responsables politiques ont donc eu le temps de voyager pour observer ce qui se passe non à Cuba ou à Rangoon, mais à Lausanne, Londres, Toronto, Munich, Boston, Stockholm, Sydney, Hong Kong, Amsterdam, Oxford, après qu’ils aient le temps de lire non pas la littérature de gare chauvine et nombriliste de ceux qui rêvent de retourner à l’université moscovite, mais des dizaines d’ouvrages et de rapports annuels qui expliquent par le menu comment fonctionnent l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, l’Imperial College de Londres ou le CalTech, qui ne s’attendait à des idées et des initiatives ayant subi l’épreuve du feu et démontré leur efficacité ?
Bingo, les Diafoirus de la rue Descartes brandissent leur joker : 791 emplois que se partageront 52 universités ! Il fallait y penser.
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L'édito
La ferveur des politiques pour l’apprentissage est inversement proportionnelle à la désaffection des jeunes gens concernés qui, en masse et depuis des années, s’en détournent. Comme si,... Lire l’édito
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Posté par Cicéron - Posté le 23 novembre 2012 à 13 h 14 min
Le spectacle des maîtres de conférences quittant la salle du conseil d’UFR quand le collège A se réunit est effectivement consternant. La certitude d’être dans une assemblée papale, avec sortie des évêques quand les archevêques se réunissent. Je me suis demandé ce qui se passerait si les membres du collège B restaient dans la salle, se refusant à sortir. Que feraient les A ? Empoignade ?
Posté par Astérix halluciné - Posté le 23 novembre 2012 à 16 h 13 min
On peut s’interroger: pourquoi 791 ? Pourquoi pas 7910, et pourquoi pas carrément 79 100? Dans une logique héritée du Gosplan, il convient de fabriquer toujours plus de tracteurs, même s’ils n’ont qu’une roue. On recensera le nombre de tracteurs, pas les tracteurs rouillant faute de moteurs. Nous sommes ici dans la même logique: il s’agit donc de rendre à la science française sa qualité et son prestige d’antan et, pour ce faire, on engage du personnel! Décision accablante! Sachant qu’après ces ouvertures de vannes, généralement elles se referment pendant trois, quatre, cinq années, ne serait-ce que pour amortir le choc de leurs coûts. Je ne sais plus s’il faut rire de tout ça, ou pleurer. Mais que d’idéologie passéiste, malthusienne, archaïque. Les syndicats vont éventuellement jubiler. Ca devrait leur apporter une cinquantaine de nouveaux adhérents.
Posté par P. Lescaze - Posté le 23 novembre 2012 à 18 h 44 min
Vraiment nul ! Et le plus amusant est la politique du saupoudrage: un tout petit peu pour tous ! Geneviève Fioraso distribue ce qu’elle a dans son magasin: des os à ronger. Ca amènera peut-être 791 voix au PS lors de la prochaine élection, mais ça n’est même pas certain: tous votaient déjà à gauche. C’est donc ça la politique de la gauche en matière de recherche. Je redoute que l’on perde cinq ans.