Le classement de Shanghai ? Un régal !

Publié le : 20 août 2014 - Mot Clés : , , , , , , , , , , , , ,

 

Le nouveau classement de Shanghai vient de sortir. La France, une nouvelle fois, est doublée par les universités anglo-saxonnes. « C’est la faute à l’anglais ! » se récrient certains. Leur a donc échappé que devant tous les établissements français est planté un établissement au nom imprononçable, die ETH Zürich. L’allemand y est la langue de travail, au moins pendant les trois premières années de licence (bachelor). A Zurich, les professeurs parviennent manifestement à publier dans Nature et dans Science.

L’important est la réaction du ministère de l’Enseignement supérieur devant le nouveau classement de Shanghai. A l’écouter, nos universités tiennent leur rang mais, une nouvelle fois nous dit-on, ne sauraient être comparées à celles figurant en bonne place dans le classement de Shanghai et se trouvant aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Suisse. La France, refrain connu, est un pays à part. Nos établissements supérieurs en effet ont  pour souci principal le bien-être des étudiants. Aussi, chez nous, sont-ils bien accueillis, puis suivis. Résultat, nos 1,4 million d’étudiants dans nos 82 universités sortent avec les qualifications qui leur permettent de s’intégrer professionnellement dans les domaines qu’ils ont choisis. Je laisserai aux intéressés le soin de réagir, voire de rectifier.

Ensuite la mission assignée aux universitaires en France diffère de celle de leurs collègues à l’étranger. Dans les universités du billboard chinois, les universitaires privilégient la recherche, en France la priorité est mise sur la pédagogie, l’accompagnement des étudiants et l’accueil des étudiants étrangers, critères que négligent les classificateurs chinois. Qui, sans rire, peut croire que diplômés du MIT, de Princeton ou de l’Imperial College à Londres, tous établissements qui sont des usines à publications et à brevets, les étudiants peinent davantage à trouver un travail qualifié que nos étudiants sortis d’universités mal entretenues, sous-financées, résultats pathétiques d’un sabordage qui remonte à loin ?

Une université, qu’elle soit plantée à Singapour ou à Lausanne, à Boston ou à Munich est d’abord un lieu de recherche. Dans tous les domaines, dans toutes les disciplines, les enseignants-chercheurs y ont d’abord pour mission de repousser les limites du savoir. Entre confrères, nous sommes dans une compétition permanente, non mercantile, non marchande pour publier des travaux qui en inspireront d’autres. Que le milieu soit envahi de pédants, de perroquets et de lémuriens est un autre problème, non négligeable mais malheureusement universel. Certains pays gèrent ce problème mieux que d’autres. Pour ce qui nous concerne, nous ne savons pas le gérer, comme en témoignent le bricolage dans le recrutement des titulaires et les évaluations dont ils sont l’objet, si tant est que le mot évaluation ait vraiment un sens en France.

 Pour revenir au modèle alternatif qui sous-tend la critique faite au classement de Shanghai, celui d’établissements-crèche ou les enseignants sont au chevet des étudiants, sachez que ce modèle est nécrosé et que l’on ne trouve qu’en France: il s’appelle les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles). Cette usine est animée par des professeurs non-chercheurs qui ne publient rien et dont le titre de gloire s’appelle un concours, réussi voilà trente ou quarante ans pour certains. Ce vaste corps d’enseignants non-chercheurs materne, via leurs colles, des post-lycéens qui, éventuellement, découvriront la recherche s’ils reviennent un jour à l’université, au terme de leur « préparation aux concours ». Récemment, la Cour des comptes rendait public le cas d’un professeur d’anglais de CPGE mieux payé par le Trésor public qu’un Médaillé Fields ou un prix Nobel. Anecdote qui en dit long sur l’estime portée à l’université française.

 En tant qu’universitaire, notre charge de travail annuelle est de 192 heures d’enseignement par an, soit davantage qu’aux Etats-Unis ou en Angleterre, moins qu’en Suisse (226 heures). Si l’on juge que la recherche scientifique est secondaire et que notre mission devrait se recentrer sur l’insertion professionnelle d’étudiants non sélectionnés et que nous n’avons pas choisi, nous sommes surpayez. Si nous ne faisons pas de recherche, ou bien si cette activité est finalement jugée subalterne, il n’y a alors aucune raison pour que notre salaire excède celui d’un professeur de collège ou de lycée.

 Enfin, ceux qui stigmatisent le classement de Shanghai, au motif qu’il privilégierait les sciences de la vie au détriment des sciences sociales et humaines, se sont-ils penchés sur ce que, dans ces derniers domaines et à l’étranger,  publient les presses universitaires des établissements du Top 100 ? Qui peut raisonnablement affirmer que dans les sciences sociales et humaines, la France pétarade loin devant les autres pays ? Le déclassement français vaut pour quasiment tous les champs scientifiques. Le chauvinisme est mauvais conseiller. Pour ce qui est de la recherche, il est même un ennemi qu’il faut combattre sans relâche car il trouve toujours une bonne excuse à la médiocrité.

 

 

 

 

Vos avis et commentaires

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Posté par gromulus - Posté le 20 août 2014 à 12 h 58 min

Vous pourriez au moins admettre que désormais les Français ne cherchent plus à casser le thermomètre. C’est déjà un progrès, selon moi. Rappelez-vous l’été 2003, quand le 1er classement est sorti: tous se gondolaient, en ironisant sur les Chinois et leur approche inepte. Maintenant, le président de l’université de Strasbourg ne cache plus sa joie de figurer dans le Top 100. Même chose pour Paris 6. Les choses avancent, à petits pas.

Posté par P.de V. - Posté le 20 août 2014 à 14 h 39 min

Combien de professeurs étrangers à l’ETHZ ? Ceci explique cela. Vous auriez du le préciser. Dans la foulée, vous auriez pu vous auto-citer: le CNU fait tout, ici, pour favoriser la préférence nationale, sans l’avouer comme Le Pen, mais agissant dans le même sens. Les médiocres y trouvent leur compte.

Posté par mondouton - Posté le 20 août 2014 à 21 h 20 min

Le classement de Shanghai est une escroquerie intellectuelle. N’y croient que les gogos dans votre genre. Ca fait chic de conchier le système français d’éducation. Vous m’expliquerez pourquoi tant d’étudiants étrangers viennent étudier chez nous. Sont-ils masochistes?

Posté par françois garçon - Posté le 21 août 2014 à 9 h 08 min

@mondouton: pourquoi les étudiants étrangers viennent-ils en France ? Trois bonnes raisons: En regard de sa gratuité totale, il est relativement correct, il est ensuite non sélectif (on vous demande à peine de savoir dire bonjour en français et les établissements/profs sont désormais en quête d’inscriptions pour obtenir la reconduction de leurs budgets et services), il est globalement laxiste (je renvoie aux performances de 2005 où 13 semaines de grève de cours dans les universités se sont soldées par le même taux de réussite aux examens que l’année précédente ??). Voilà trois raisons qui expliquent qu’il est fréquenté par les étudiants étrangers. Ne vous y trompez pas: les meilleurs parmi eux cherchent d’abord à aller au Canada, en Allemagne, en Suisse. Nous recueillons les autres.

Posté par Jacques - Posté le 1 septembre 2014 à 16 h 38 min

Monsieur, en tant que parent d’élève, permettez-moi de réagir à vos propos sur les CPGE. Je suis bien content que les élèves y soient « maternés » ! Disons plutôt : bien encadrés et poussés à donner leur maximum. On aimerait bien que ce soit le cas de tout l’enseignement supérieur ! Ce « cocooning » ne me semble pas particulier à la France : je connais plusieurs élèves partis à l’étranger après leur bac, qui bénéficient aussi d’un environnement très cadré. Cela s’accompagne souvent d’une charge de travail proche de celles de nos prépas. Faut-il donc s’étonner que travail, effort et réussite aillent de pair ? Quant aux «enseignants non chercheurs » que vous évoquez (ou plutôt caricaturez, car je pense que vous décrivez une fiction qui ne correspond pas à la réalité que j’ai observée), permettez-moi d’exprimer mon admiration pour leur compétence, leur enthousiasme et leur implication (les colles, bien utilisées, sont à cet égard un excellent outil pédagogique dont il faudrait s’inspirer ailleurs). Beaucoup d’entre eux, outre l’agrégation (un concours difficile qui permet d’assurer leur compétence et leur culture générale dans leur matière), sont docteurs, ou encore sont passés ou passeront par la recherche pendant leur carrière. Simplement, il ne me semble pas réaliste de combiner une vraie recherche et un enseignement d’un tel niveau d’implication, et c’est normal. Inversement, je connais des universitaires qui se sont soustraits à leurs obligations d’enseignement pour pouvoir se consacrer à la recherche. Acceptons donc que dans une carrière, enseignement, recherche (et aussi management!) puissent alterner. En conclusion, « I have a dream » : qu’on cesse de se déchirer et de s’opposer au sein de l’enseignement supérieur en France, qu’on accepte dans un esprit de tolérance la diversité des voies de formation possibles, et surtout que chacun vise l’excellence à son niveau !

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