Ca va chauffer à Saclay

Publié le : 13 novembre 2012 - Mot Clés : , , , , , ,

« Pour couper court à toute polémique, Geneviève Fioraso s’est livrée à un petit cours d’histoire. « Le projet de Saclay n’a pas été initié par le gouvernement précédent. L’idée d’un rapprochement sur ce site de plusieurs acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche date de plusieurs dizaines d’années ». L’implantation du CEA sur le plateau date de 1952, celle de Paris-Sud de 1970 et celle de Polytechnique de 1976 »[1].

Qui osera dire un jour à Geneviève Fioraso que nous sommes un certain nombre à nous contre-foutre de savoir par qui le projet de Saclay a été initié ! Que personnellement, pourvu qu’il attrape les souris,  je me contrefous de la couleur du chat! Ces recours en paternité sont certes dans l’air du temps mais, pour ce qui me concerne, je ne me sens pas concerné. Le seul sujet qui mérite d’être traité est : le projet Saclay est-il pertinent ou non  en regard du CalTech, de l’Imperial College ou de l’ETHZ ? Ou bien nous vend-on une usine à gaz comme les Français (et les Russes) sont seuls capables de les construire ? Pour ceux, dont je suis, qui considérent que Colbert n’a plus sa place ailleurs que dans les manuels d’histoire, le scepticisme est de rigueur. Sceptiques non pas en raison du profil de Geneviève Fioraso, mais au vu de la mentalité féodale (antérieure donc à Colbert) qui gouverne les institutions dont elle a charge à la tête de son ministère.

Considérant les hiérarchies non dites et non écrites propres au milieu, considérant que jusque sur son lit de mort l’ancien élève (élève !!!) de telle ou telle « grande école » (sic) s’imaginera supérieur à son collègue issu d’une autre école de rang inférieur ou, pire, venu de l’université, considérant que ces scories mentales sont indestructibles, craignons que les unions concoctées par les politiques de droite et de gauche ne soient jamais consommées. Ou, à tout le moins, s’avèrent stériles. Le risque est en effet que sur le plateau de Saclay cohabitent des établissements distincts et qui le resteront, en dépit des bâtons d’encens et des incantations. Bref, qu’à Saclay, la France invente une variété française de la culture des ghettos : chaque ethnie épie l’ethnie voisine dont il se méfie, personne ne collabore, les établissements forcés à la colocation ne partageant rien avec les clans voisins.

Car si le féodalisme est mort depuis quelques siècles, il continue de prospérer dans l’enseignement supérieur français. Selon les saisons, ce féodalisme sera de droite puis de gauche, puis de droite à nouveau. Mais sous la droite comme sous la gauche, le féodalisme demeure, présent dans toutes les disciplines, à l’état de cadavre puant.

Dans l’enseignement supérieur français règne un climat terriblement provincial, nombriliste et, depuis 2003, depuis les humiliants palmarès internationaux des universités, ouvertement chauvin.

Bref, Geneviève Fioraso aurait mieux à faire à s’attaquer à ce système infantile de castes scolaires plutôt que de se lancer dans l’archéologie des projets, pour en attribuer la paternité à son camp. Qu’elle sache qu’une telle problématique indiffère royalement un certain nombre nous, disons les pragmatiques. Ceux qui justement apprécient les chats réputés bons chasseurs.



[1] Olivier Monod, EducPros.fr, 9 novembre 2012.

Vos avis et commentaires

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Posté par PR38 - Posté le 14 novembre 2012 à 8 h 02 min

Les Russes sont en train de bâtir leur Silicon Valley, à quelques heures de voiture de Moscou. Il espèrent que les meilleurs chercheurs de la planète se bousculeront pour aller y travailler. Saclay est du même tonneau: un lourd investissement public visant à créer de la masse critique. Ce n’est pas la masse critique qui est importante, mais l’énergie critique.

Posté par Fauxrato - Posté le 14 novembre 2012 à 11 h 03 min

Notre ministre me semble délirante. Sans doute pour flatter sa base (à moins qu’elle ne soit sincèrement sotte), elle joue à la lutte des classes. Quand on songe au conformisme de notre milieu, son attachement viscéral aux âneries de Mélanchon et consorts, elle a peut-être raison pour son confort personnel. Elle creuse dramatiquement la tombe de l’enseignement supérieur français.

Posté par Pierre - Posté le 14 novembre 2012 à 17 h 54 min

Bien vu. Rien ne change, rien ne bouge, nous sommes en France dans un monde pré-héraclitéen. Il est fondamental de retrouver la santé par le rire. Et Madame Fioraso y contribue. Personnellement, je lui en sais gré.

Posté par Ciceron - Posté le 15 novembre 2012 à 15 h 51 min

Droite/gauche, on en revient toujours à la guerre civile. Une société confite dans l’immobilisme. En poste en Suisse, pays que l’auteur semble apprécier (un peu exagérément à mon goût; qu’il vienne y vivre et il mesurera alors le prix de son insolence), j’observe avec pitié le spectacle d’une France qui se replie sur des valeurs antagoniques héritées du 19ème siècle. Marx est mort. L’émergence d’une classe moyenne de 400 millions de Chinois en moins de dix ans devrait faire réfléchir les Français. Vous êtes sur la pente du déclin, ce qui m’importe peu, à cette nuance près c’est que nous sommes voisins. Vous risquez de nous entraîner dans votre chute, ce qui ne m’amuse pas. Déjà, les cantons frontaliers font face à une recrudescence de crimes et délits, tous perpétrés par des Français, rarement frontaliers, mais venus de Lyon, Grenoble, Mulhouse, jamais d’Allemagne ou d’Autriche. Si la France avait su conserver sa prospérité d’il y a deux décennies, ces déplacements criminels ne se produiraient pas.

Posté par Schumacher - Posté le 16 novembre 2012 à 8 h 04 min

Fioraso est sectaire. Il y a les sectaires qui pensent à l’avenir, et ceux qui ont le nez sur le rétroviseur. Elle appartient à la 2ème catégorie. De droite ou de gauche, les sectaires ont rarement raison. Dommage que les Français ignorent le sens du mot pragmatisme.

Posté par L. Daudet - Posté le 19 novembre 2012 à 7 h 53 min

“Beaucoup de bruit pour rien”, en effet… Mais ça n’est pas Shakespeare qui est la référence, plutôt Courteline époque Etat en faillite.

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