Avoir des parents communistes, en France, c’est chic !

Depuis des décennies, la France coule sous le commandement d’une élite politique confite dans le conformisme. Ils ont tous été premiers de classe, ont tous été des bêtes à concours stériles. Allez voir Le Pouvoir de Patrick Rotman, vous mesurerez l’abyssale vacuité de leur univers professionnel : en bons petits couturiers, ils coupent et recoupent des discours que s’appropriera le patron, s’appliquant à les tailler de telle manière que les foules les digèrent sans trop d’efforts. C’est ce que du film, l’hebdomadaire Der Spiegel a particulièrement retenu. Adolescente, la caste française, de droite et de gauche, excellait dans des exercices scolaires. Ses membres continuent d’en faire, à l’Elysée, à Matignon, dans les ministères. Aucune audace, sinon de style, aucune curiosité. Ils savent tout, par avance. On mesure surtout à quel point la formation qu’ils ont reçue en a fait les petits soldats obéissants d’une armée que la mondialisation a périmée. Un gigantesque culbuto de gens ternes et disciplinés.

Au fond d’eux-mêmes, ils se savent conformistes en diable. Tous sont passés par les mêmes classes préparatoires, ont passé les mêmes concours, parfois la même année. Ils connaissent par cœur les classements de chacun aux sauts d’obstacles imbéciles qu’ils se sont appliqués à réussir. Tous ont consciencieusement appris à ânonner les réponses les mieux huilées aux questions qui allaient leur être posées, par des jurys franchouillards, sortis du même moule. Un monde de clones biberonnés par des papas et des mamans qui leur préparaient leur goûter et les cornaquaient en prévision des examens stériles vers lesquels ils dirigeaient leurs rejetons. Tous ont ensuite enfilé leurs costumes gris. Aucune marque d’originalité ni de pensée sérieuse, seulement de l’orgueil. Combien dans cette caste française a par exemple  fait une thèse? Ce travail austère, solitaire, innovant qui, humblement, oblige son auteur à faire le tour de la question en prenant connaissance de tout ce qui a été publié avant lui avant puis, au bout d’un marathon de cinq ans, se confronter à de vrais experts venus de différents pays ? Combien ? Zéro ! Tous se sont pliés aux règlements des concours plus stupides les uns que les autres de la fonction publique, fondés sur la mémoire et la contraction de texte. Voilà pourquoi nos ternes premiers de la classe sont à l’affût des moindres signes extérieurs de cette originalité qui leur manque. Parmi ces signes, notez avec quelle fréquence il nous est relaté que leurs parents étaient communistes ! A moins qu’ils n’aient eux-mêmes pris soin de le préciser aux journalistes qui traçaient leur portrait, comment ces derniers ont-ils pu savoir en effet que les parents de Fillepeti ou de Aquilino Morelle étaient communistes ! Comme si, pour leurs rejetons, avoir eu des parents communistes ou qui le sont restés dans les années 1970-1980 signait l’appartenance à une noblesse prestigieuse ! Leurs parents étaient donc communistes au moment de l’écrasement des Pragois par les chars du Pacte de Varsovie ou encore lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques ! Ils sont fiers de ce à quoi adhéraient papa et maman. Passons ! Papa et maman communistes leur ont permis de réussir leurs concours ineptes. Dans cet univers conformiste, avoir eu des « parents communistes » semble être l’ultime élégance, le signe chic de l’altérité. Ecoutez Alain Minc : rares sont ses interventions radiophoniques qu’il n’entame pas par son refrain : « je suis fils d’un juif communiste ! » Du coup, sans doute s’imagine-t-il être doté d’une liberté de pensée, d’une ouverture d’esprit que les autres, ceux qui n’ont pas une ascendance communiste, doivent probablement lui envier. Au risque de les décevoir, un tel plastron politique n’a rien pour éblouir ceux qui considèrent le communisme comme un châtiment que les peuples qui s’en sont débarrassés ne méritaient pas. Et puis, il faudrait quand même dire à ces premiers de classe français qui refabriquent le monde, que la seule qualité que nous attendons d’eux est qu’ils soient innovants, non en singeant la servilité et la soumission que le communisme incube chez ceux qui s’en réclament (dixit François Furet), mais en s’enrichissant sans œillères de tout ce qui se déroule présentement sur la planète. Et des choses, il s’en passe !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*